mercredi 4 avril 2012

Seule une romancière pouvait écrire ça

 A ma grande amie Elodie dont je sais la grande richesse de coeur 

A ma Léa, ma grande amie,

par Elodie Chestone Romancière, mardi 3 avril 2012, 22:09 ·
Léa
Léa
Jeudi 29 mars, tu es partie doucement... Tu as attendu que je passe mon chemin pour t'effondrer sur ce dernier, quelques minutes plus tard,  à l'endroit même où petite, j'adorais me coucher sur le sol les yeux rivés dans l'azur du ciel, vue imprenable des cieux, me disais-je.
Depuis, de nouveau je ressens la cruelle empreinte de l'absence, du temps qui passe et du passé qui se referme sur ceux qu'on a tant aimés, pilliers de nos ames et de nos coeurs, ces êtres vivants qui deviennent en un claquement de doigts un souvenir... Et toi, Léa, tu en fait partie. Et oui un chat peut avoir ce rôle là. En tout cas dans ma vie çà se passe de cette manière là.
Les Chats y ont occupé une place prépondérante sans que je fasse quoi que soit pour les y faire entrer.
Presqu'à mon insu. La gente féline féminine surtout, très habile pour ouvrir grille, fenêtre, portes et surtout celle de mon coeur. D'aussi loin que je me souvienne, la première percée remonte à l'école.
C'est ma première grande Ame - ie, Grisette, qui m'a adoptée et choisie au milieu d'une cour d'école pleine d'enfants. Je me suis redressée de fierté, moi la paria, l'enfant de parents presque divorcés. Rendez vous compte : un chat sautant par dessus les grilles pénétrant dans l'enceinte de l'école et fendant la foule pour se diriger vers MOI et seulement moi !! Grisette a poursuivi sa procédure d'adoption : elle a trouvé ma maison et se faufilait dans ma chambre pour me dire bonjour en se frottant les moustaches sur mon visage dès que mes parents ouvraient les volets. Grisette m'a offert un couronnement, j'étais la petite princesse du royaume des Chats, capable de ne pas manger pour mieux nourrir mes amis en douce...
Grisette... Apparition brève et percée furtive dans ma vie, mais tu m'as attrapée au vol m'empêchant de m'écraser dans les drames des adultes qui vivaient à l'époque autour de moi.
Plus tard, la dynastie des Napolis a fait son entrée dans ma vie. Par un beau soir de novembre en Corse, devant une cabine téléphonique. Il faisait déjà nuit, on allait appeler Papa, seule sortie qui me faisait sourire pour de vrai. Un beau sourire qui part du coeur, pas forcé non, comme celui qu'on aborde pour être une gentille fille agréable devant le nouvel ami de Maman...Non, un beau sourire. Et puis soudain, une boule de poils, minuscule ronronnante, toute grise qui se cogne sur mes chevilles, oh pardon! je ne vous avais pas vue Mademoiselle, enfin si, tous les soirs mais là je n'en peux plus, besoin de vous renifler... Allez on se baisse en rigolant, çà chatouille les jambes, des moustaches. On rentre dans la cabine pensant dissuader l'animal mais une fois de plus une procédure d'adoption était lancée...le chaton nous suit, rentre, ronronne, s'accroche, se met sur le dos et attend. LA caresse qui vous scelle à lui à tout jamais.  On finit par partir, il nous suit en miaulant de détresse, on se retourne, ouvre les bras et son coeur du même coup et on en prend pour 10 ans.
10 ans de règne corse, de musique classique à faire tourner en boucle pour celle qu'on nommera Napoléonne et qui miaulera de desespoir devant la chaine hifi chaque fois que le 33 tours de Mozart s'arrêtera. Napoléonne souveraine impériale règnera sur mon coeur et sur la vie de mon père puisque c'est en l'appelant que ce chaton a pointé son museau, il était donc normal qu'il la reçoive dans sa maison, et nous donnera des héritiers dont un acteur de cinéma : Dimitri (pour les cinéphiles c'est lui le chat qui tourne aux côtés de Guy Marchand dans le film Chateauroux District).
La dynastie des Napoli est une lignée magnifique de chartreux aux yeux verts que tout le monde envie. Etrangement, les chats disparaissent les uns derrière les autres... Dimitri, Axel, et même Napoléonne un jour ne revient plus.
Je suis sur le départ moi aussi. Pour Paris...
Fini les chats me disais-je encore la veille de mes 21 ans. Jusqu'à ce que ... on me tende un paquet le soir de mon anniversaire. Une bête affolée, effrayée s'en échappe, une bébé chartreux... je suis consternée, comment peut on offrir un chat? Ce n'est pas un objet!!! Réticence, méfiance. J'ai assez pleuré, guetté des retours, en vain. Ma soirée d'anniversaire est foutue. Je fais bonne figure malgré tout avec ce sens exaspérant de la responsabilité qui me pèse tant parfois. La vie me l'a confié ce chat, je vais donc l'assumer. Je m'accorde la nuit pour mieux y réfléchir. Je présente les lieux à mon nouvel ami, que je baptise Léo, c'est un male m'a-t-on assurée... Léo est terrorisé...je me couche et peine à fermer les yeux. Et puis soudaint alors que le sommeil me gagne, il vient sur mon ventre et se blottit contre moi en grelottant. J'hésite .... et puis qu'y puis-je? Comment résister à l'élan qui part de mon coeur? Je l'entoure de mes mains, il ronronne et je sais que je viens d'être adoptée. Encore. Quelques jours plus tard, je dois emmener Léo chez le véto avec la maigre enveloppe de sous que j'ai eu pour mon anniversaire. J'y laisse toute ma fortune pour m'entendre dire que Léo est une chatte et qu'elle souffre de mal-nutrition.
Léo devient Léa.
Léa, c'est à toi que je dédis ces lignes.
Tu m'as offert l'étendue infinie de ton regard. Ces yeux d'un vert qui ne me quittait jamais où que je sois, quoi que je fasse, quoi que je vive.Ces yeux verts qui riaient avec moi lors de nos jeux, calins, ronrons, moments d'infinie tendresse, ma tête sur toi à écouter les battements de ton coeur...
Tu m'as suivie pas à pas pendant 17 ans, enroulée autour d'un pied de lampe pendant mes études de droit tandis que je révisais, blottie contre moi et m'enveloppant de ton ronron m'aidant ainsi à trouver le sommeil la veille de mes examens. Tu as supporté mes musiques à fond, l'odeur de mes cigarettes t'éloignant silencieusement vers la fenetre entrouverte dans un 10 m² parisien...Tu accueillais mes amis. Avec toi je savais très vite qui l'étaient vraiment...
Léa, tu m'as offert l'étendue infinie de ton regard. Avec toi je pouvais me laisser aller sans être obligée de faire bonne figure ou d'être forte. J'étais moi avec toi. Tu m'y encourageais, ta patte sur mon bras " vas y entre dans mes yeux" alors j'y allais et me laissais submerger par mes flots intérieurs sans craindre la noyade puisque tu veillais sur moi, j'allais dans cette lumière verte y chercher l'apaisement dans les larmes, je te donnais mes émotions, ma douleur, mon chagrin et pour ne pas que j'aille trop loin tu me mordillais les doigts pour me dire " reviens".
Léa, dans ce regard posé sur moi, j'étais enveloppé d'amour et de bienveillance. Libre d'être moi. Libre de pleurer comme une âme en peine, la mort de ma mère à 26 ans et le poids de cette responsabilité écrasante de ne plus avoir de mère sur qui compter hormis moi même et surtout toi....
Je pouvais exprimer ma terreur de grandir trop vite et de voir mon père mourir à petit feu. Tu me ramenais sur les rivages de ma réalité...Calins, croquettes, la vie peut être aussi chouette.  J'ai pu déverser mon désarroi à la mort de Papa, toujours ta patte fine et délicate sur mon bras. Ronrons, clignements des yeux et c'est parti, toi à côté de mon ordinateur et moi face à l'écran à commencer l'écriture de mon premier roman. Tu étendais les pattes sur mes notes, concentrée sur mon idée, je devais te pousser doucement...
Léa, ma grande amie, soutien infaillible,  présence si douce, apaisante, emplie de tant d'amour et de bienveillances. Je t'ai vu t'épanouir dans la maternité et la maternance, je t'observais avec tendresse tout comme tu l'as fait lorsque je me suis mise au monde avec la naissance de mes enfants.
Et puis, je t'ai vu vieillir doucement... toujours avec cette energie qui était la tienne et qui te poussait à me suivre où que j'aille où que je sois, dans le salon, le jardin, dans mon bureau, à poser ce regard interrogateur sur moi, y compris jeudi dernier...Oui ma Léa, t'en fais pas, je vais bien.
Aujourd'hui, au milieu de ce vide, je sens quelque chose qui pousse et que tu as planté. Une graine d'essence féminine, mélange de bienveillance, d'amour conjugué à l'infini comme disait Maman, de maternance de soi, des autres.
Au nom de cette graine qui pousse timidement, je laisse libre cours à mon chagrin, il durera ce qu'il durera, je ne le brusquerai pas. Il parait qu'on ne pleure pas les chats. J'ai pleuré ma mère, mon père, mes grands mère et grands pères. Je me sens libre de pleurer Léa car un chat qu'on adore laisse un vide immense derrière lui et le deuil fait tout aussi mal.
Animal vient du latin "animus", qui signifie "Esprit" ou "Principe Vital"... que dire de plus sur toi ma Léa,  sinon que je t'aime, que je bénis la Vie d'avoir partagé 17 années avec toi, que je suis emplie de gratitude pour toi et que je guette malgré moi, dans le bruit des feuilles du jardin ta douce présence...
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