mercredi 10 décembre 2014

Afficher son pessimisme, c'est bon ...

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Source : Capital.fr

Afficher son pessimisme, c'est bon pour le moral et le travail

02/12/14 à 16:46
Mis à jour le 02/12/14 à 16:46
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Temps de lecture :  6 minutes

© REA
Les Français, râleurs exemplaires, ont tout compris. Désormais, en effet, les psys opposent au diktat ravageur du sourire corporate les vertus d'un pessimisme assumé. Bref, pour être vraiment concentré, créatif et épanoui, tombez le masque.
Après avoir régné pendant plus d'un demi-siècle sur les esprits, la pensée positive commence à perdre de son aura. L'actuelle déferlante de la «fuck it attitude» est symptomatique de ce retournement d'opinion : à coups de Fuck Up Nights (des réunions sur l'échec entrepreneurial), de Fuck It Therapy (élaborée par l'Anglais John C. Parkin) et autres non-réjouissances, on revendique le droit au ras-le-bol. Et celui, pour les moroses, les pessimistes et autres bougons, de paraître au grand jour sans avoir besoin de faire semblant. Même les entreprises, que l'ancien diktat normatif a longtemps arrangées - un bon salarié positive : il sourit, ne se plaint pas et ne critique jamais la hiérarchie -, surfent sur la vague. Récemment, c'est Kleenex qui a décidé de s'offrir un coup de pub en sponsorisant la Nuit de la déprime, organisée à l'Olympia, à Paris. «A quoi sert de courir après le bonheur alors que la déprime est à portée de main», lisait-on au bas de l'affiche. Provocation ? Sans doute, mais pas seulement. Assumer ses humeurs, ses moments de doute ou de déprime, ça a du bon. Démonstration.
Police du sourire. Le fait de contraindre les gens à garder le sourire en toutes circonstances peut être très aliénant. Au Japon, par exemple, certains patrons attendent de leurs employés qu'ils arborent un sourire inconditionnel. Tout comme la cravate, celui-ci fait partie de la panoplie du travailleur. Cette lubie a même poussé la compagnie de chemin de fer Keikyu à mettre en place une «police du sourire», qui s'appuie sur un smile scan ou scanneur de sourire. Cette machine infernale vérifie que les salariés ont la banane avant de se rendre auprès de leur clientèle. A partir des mouvements des yeux et des lèvres de l'employé, le détecteur calcule son score sur 100 et envoie une alerte s'il n'a pas la mine suffisamment réjouie. Et pourtant, sourire à tort et travers n'est pas forcément bénéfique pour l'entreprise. L'Academy of Management Journal a publié une étude américaine édifiante menée auprès de chauffeurs de bus («A Multilevel Field Investigation of Emotional Labor, Affect, Work Withdrawal, and Gender», 2011). Ceux qui s'étaient forcés à sourire se sont révélés les moins productifs et les moins impliqués dans leur travail. Un résultat encore plus manifeste chez les femmes. Masquer son irritabilité sous un sourire superficiel est donc une fausse bonne idée : ce serait le meilleur moyen de mal faire son travail.
La pensée positive ne serait donc pas si positive que cela... Cette injonction au bonheur extatique et à la bonne humeur permanente nous vient des Etats-Unis, où elle a été conceptualisée dans les années 1950 par Vincent Norman Peale dans son livre La Puissance de la pensée positive. Et c'est dans ce même pays que de plus en plus de voix s'insurgent contre ses dérives. L'activiste politique américaine Barbara Ehrenreich estime que ce système de pensée dominant aurait endoctriné et affaibli son pays, allant même jusqu'à jouer un rôle dans la crise des subprimes. Le journaliste Oliver Burkeman vante, quant à lui, les bienfaits de la pensée négative dans son ouvrage The Antidote : Happiness for People who Can't Stand Positive Thinking. Selon lui, combattre ses idées noires ne sert strictement à rien. La recherche obsessionnelle du bonheur ne ferait que renforcer la perception du malheur, et nos multiples tentatives pour éliminer les échecs et l'insécurité de nos vies ne nous rendraient que plus anxieux.
Déculpabiliser les angoissés. Dans la lignée de ces contestataires, Barbara Held, professeur de psychologie au collège américain de Bowdoin, a publié un manifeste revendiquant le droit de pleurer : Stop Smiling, Start Kvetching («Arrêtez de sourire et plaignez-vous !»). Cet ouvrage est né d'une mésaventure vécue par l'auteure elle-même. Accablée d'effroyables maux de tête dus à une méningite qui semblait vouée à ne jamais disparaître, elle entendit ses amis lui dire qu'il était temps d'arrêter de se plaindre et de changer d'humeur... Seul un proche, également psychologue de métier, lui affirma un jour qu'il n'y avait pas de mal à exprimer son ras-le-bol. Soulagée d'être enfin autorisée à manifester sa détresse, elle a décidé de prendre la plume pour tâcher de déculpabiliser tous les anxieux qui, comme elle, ont besoin de s'attarder sur ce qui pèche, et qui n'osent pas le faire, sclérosés par cette rampante injonction au bonheur. Barbara Held ne part pas pour autant en croisade contre l'optimisme. Elle se contente de mentionner la possibilité d'une autre voie vers le bonheur.
La morosité revalorisée. Dans L'Optimisme intelligent, Alain Braconnier affirme qu'une forme de pessimisme nous permet même d'être plus efficaces. «Il faut sortir de la vision simpliste de l'optimisme forcément positif et du pessimisme par nature négatif», explique le psychiatre. Car il existe un pessimisme bénéfique, qui permet d'anticiper les difficultés : «Si on n'imagine pas les problèmes en amont, il est plus difficile de trouver des moyens pour les résoudre.» Le pessimisme a donc des vertus prophylactiques, qui évitent les graves sorties de piste ou les grosses déceptions. «Prenez le cas des étudiants en période d'examen, poursuit Alain Braconnier. Ils sortent tous des épreuves en disant qu'ils ont raté, mais savent en général que ce n'est pas tout à fait exact. C'est juste un bon moyen de se prémunir contre une mauvaise surprise lors des résultats.»
Une étude de l'université de Nouvelle-Galles du Sud (Australie) a mis en évidence que, à défaut de nous rendre plus intelligents, aborder une situation avec anxiété permet d'être plus attentif et d'obtenir ainsi de meilleurs résultats. Il a été demandé à deux groupes de volontaires de regarder différents films. Le premier devait s'attarder sur les événements positifs qu'ils contenaient, le second sur les événements négatifs. L'objectif était de susciter des humeurs opposées entre les membres des deux groupes. Lesquels ont ensuite pris part à une même série de tâches : relater un événement, résoudre un problème, écrire une lettre pour défendre son point de vue... Les résultats ont montré de gros décalages : les participants de mauvaise humeur ont mieux réussi que ceux qui étaient joyeux. Ils ont commis moins d'erreurs et se sont révélés meilleurs communicants. Le professeur Joe Forgas, responsable de l'étude, explique que les humeurs négatives nous permettraient de mener une réflexion plus approfondie. La morosité permettrait aussi de prêter une plus grande attention au monde extérieur.
Même conclusion dans une expérience menée par l'université de Chicago, qui portait sur la réaction de personnes à la lecture de leur horoscope. L'étude a montré qu'une prédiction négative encourageait les lecteurs à contrecarrer les problèmes annoncés, en allant puiser au fond d'eux-mêmes des ressources qu'ils n'auraient habituellement pas mobilisées.
Râler, c'est bon pour la santé. Autre idée reçue : l'individu ronchon serait moins prompt à l'action que l'optimiste béat. Faux ! Jean-Marie Paul, historien des idées, explique que les gens qui voient tout en noir sont, contre toute attente, plutôt enclins à l'action. «Le pessimiste a le goût du risque, car il pense qu'il n'a rien à perdre, ou du moins se tient prêt à accepter l'éventualité de l'échec, explique l'auteur de Du pessimisme. Il ne choisira pas forcément d'être chef d'entreprise. Mais s'il l'est, il sera tout sauf indécis.»
Dernier coup de boutoir à la pensée positive : râler ouvertement est une excellente activité pour la santé. Une étude de l'université d'Iéna (Allemagne) a abouti à cette étonnante conclusion : les personnes qui expriment leur mauvaise humeur auraient une plus longue espérance de vie («The Costs of Repression : A Meta-Analysis on the Relation Between Repressive Coping and Somatic Diseases», Journal of Health Psychology, 2012). Alors, pour combattre l'hypertension et vous épargner les maladies cardiaques, ne vous gênez plus : faites ouvertement la gueule. C'est pour la bonne cause.
Marie Peronnau
Les génies ? Des grands dépressifs
Pourquoi tous les hommes exceptionnels du passé, en philosophie, en politique, en poésie ou dans les arts, étaient-ils manifestement mélancoliques ?» s'interrogeait déjà en son temps Aristote. Baudelaire, Pollock, Nerval, Van Gogh, Maupassant, Kafka, Churchill, Beethoven : force est de constater que beaucoup de nos grands hommes n'étaient pas des boute-en-train. Même notre héros national, le général de Gaulle, aurait été dépressif ! Les génies seraient-ils tous enclins à broyer du noir ? Dans son apologie de la mélancolie Against Happiness, le professeur de littérature Eric G. Wilson explique que cet état naît d'une insatisfaction face au monde tel qu'il est, et que ne pas l'accepter peut stimuler notre imagination. La mélancolie serait ainsi dotée d'un fort pouvoir créatif. Le poète Antonin Artaud ne pensait pas autrement quand il écrivait : «Nul n'a jamais écrit ou peint, sculpté, modelé, construit, inventé que pour sortir, en fait, de l'enfer.»
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